Pendant quatre ans (2014-2017), je suis allé souvent en Hongrie, où mon épouse travaillait. Quand j'étais à Budapest, je logeais dans une belle villa fin de siècle sur la colline de Buda. Au deuxième étage il y a une bibliothèque, intacte: une pièce pas grande, avec des librairies à mur fermées par des cristaux et avec des étagères du plancher au plafond. Sur les étagères supérieures, j’avais remarqué quelques livres du propriétaire précédent de la villa, l'avocat Bela Angyan, qui est probablement décédé dans les années 1940. Naturellement dès le début je suis allé à la découverte ; les livres sont le témoignage d'un génie intellectuel très fort, et ceux qui sont restés sur les étagères concernent aussi bien la littérature que la science. Certaines éditions sont intéressantes, avec des gravures sympathiques; Schiller, Goethe et autres poètes sont présents. J'étais franchement très intrigué par quelques livres sur le spiritisme, peut-être un signe que l'Avocat Angyan appartenait à un groupe d'occultistes comme beaucoup d’autres fleuris en Europe au début des années 1900. Le poète italien D'Annunzio était connu pour avoir fréquenté les médiums, s’inspirant d’eux pour ses compositions "mystiques".
Je dois dire que je n'avais pas l'impression que la villa fût infestée par les esprits, même si le bâtiment a un air particulier et quelques détails sont curieux: par exemple, sur le portail d'entrée, le numéro de la villa «4» est arrangé comme le signe cabalistique de Jupiter, d’ailleurs très similaire.
À mes yeux il y avait enfin une atmosphère magique, on peut dire, corroborée par les ex-libris du Dr Angyan collés au frontispice de tous ses volumes, dans la bibliothèque: un curieux demi-cercle renfermé dans un rectangle, au-dessus duquel se trouve une étagère avec deux paons sur les côtés.
Ma première impression était celle d'un coupe-feu de cheminée, au milieu duquel les initiales "AB" trônent entrelacées.
Jusqu'ici, rien de particulier. Cependant, une fois rentré en Egypte, pendant un de mes voyages à Alexandrie, je visitai - comme toujours - le petit marché des livres d’occasion. Je fus spécifiquement attiré par une banquette d’étalage comme les autres, et par un livre rouge mélangé avec mille autres.
Je devais l'acheter, je ne savais pas pourquoi. Je le pris presque les yeux fermés, le sujet m'intéressait, comme je lisais sur le frontispice: "L'Art Byzantin" de C. Bayet.
Dans le livre, il y a un bel ex-libris copte, donc je l’achetai volontiers, cela ne coûtait que quelques EGP.
Une fois à la maison je commençai à le lire ... et quelle fut ma surprise quand je constatai que l'introduction était ornée d'un dessin presque identique à l'ancien ex-libris de l’Avocat Angyan! Comment c’est possible cette coïncidence, à des milliers de kilomètres de distance, à un demi-siècle de postérité ? Évidemment il y a un appel magique et occulte ...
À toi, Avocat Bela Angyan, je dédie cet article.
Que Dieu t’accueille, en n’importe quelle dimension que tu sois, afin que l’on puisse éclairer le chemin de ceux qui sont restés ici sur la terre.