Traversant la rue Ramsès, en se faufilant entre les voitures, il alla à la recherche du café que ses compatriotes lui avaient indiqué: “Dans le café sur la place Ramsès, tu demanderas Ahmed et il te dira tout ce que tu veux sur la ville du Caire”. Le Saïdien trouva le café, demanda Ahmed et ce dernier accueillit à bas ouverts le Saïdien... car ils étaient tous les deux originaires du même village près de Louxor.
Renseignements pris, notre Saïdien s’enfonça dans les rues du Caire persuadé qu’il ne pouvait s’égarer, car il lui suffisait de demander “Où se trouve Ramsès?”, pour se retrouver.
Mais notre Saïdien fut vite perdu dans la ville du Caire et, découragé, il pensa à rentrer dans son village de Haute-Egypte. Mais pour cela il lui fallait retrouver Ramsès. Il demanda conseil à un passant et lui dit: “Où se trouve Ramsès?”. Le passant lui indiqua le chemin à suivre et ajouta: “Dès que tu auras vu Ramsès II, tu demanderas où se trouve la gare au Caire afin de prendre ton billet de train et de rentrer chez toi”.
Le Saïdien se mit en route, trouva Ramsès et entra dans la gare. Comme le passant lui avait parlé de la gare du Caire, il se rendit au guichet pour demander un billet pour la gare du Caire ne sachant pas que c’était le nom non pas de la gare du Caire mais de celle d’Alexandrie. Il prit donc son billet pour la gare du Caire, monta dans le train et se retrouva, quelques heures plus tard, à la gare du Caire d’Alexandrie.
Ce fut ainsi que notre Saïdien se retrouva à Alexandrie, face à la mer qu’il n’avait jamais vue.
Les Saïdiens sont souvent les victimes de la volubilité des Cairotes qui racontent un tas d’histoires drôles à leur sujet.
Il est question actuellement du déménagement de la statue de Ramsès II et de la reconduire près du village de Mit Rahina sur l’ancien site de Memphis.
Un jour, un habitant de Mit Rahina vint à passer près de la statue de Ramsès II. Le roi le reconnut comme ancien voisin et lui dit: Apporte-moi un cheval afin que je puisse retourner chez moi”.
Le lendemain, l’habitant de Mit Rahina repassa près de la statue accompagné d’un Saïdien. Furieux, Ramsès II lui dit: “Je t’ai demandé un cheval. Pourquoi m’apportes-tu un âne?”.
Pourquoi les Cairotes racontent-ils ces “nocta”, ces histoires drôles et ces blagues sur les Saïdiens? Il faut dire tout d’abord que ce sont souvent les habitants de la Haute-Egypte qui inventent ces histoires sur eux-mêmes, histoires que les gens du Caire sont très heureux de reprendre en leur donnant un ton plus croustillant.
Le “omda” d’un village de Haute-Egypte donna cette explication à ces “nocta” sur les Saïdiens:
“Autrefois, dans nos villages de Haute-Egypte, la population menait une vie traditionnelle telle qu’elle se déroulait à l’époque pharaonique. Les gens sortaient très peu de leurs contrées. Mais, si par hasard, un Saïdien se rendait au Caire, il était éberlué et posait des questions sur tout ce qu’il voyait de nouveau. Qu’est-ce que cette petite boule qui brille comme le soleil? (une ampoule électrique). Et cette boîte qui parle toute seule? (une radio), etc... Les temps ont bien changé. Dans nos villages, les Saïdiens possèdent tous des radios, des télévisions, des vidéos et tous les appareillages modernes comme au Caire. Pourtant les Cairotes continuent à raconter sur nous des histoires drôles”.
Et le “omda” voulut citer quelques exemples de ces “nocta” qui n’ont, bien entendu, aucun rapport avec la réalité. Ces histoires de Saïdiens ne manquent pas. En 1986 le couvre-feu fut mis en vigueur dans les rues du Caire à la suite de la révolte des conscrits. Mais les Cairotes trouvèrent une autre version: “Savez-vous pourquoi il y a ce couvre-feu? C’est un Saïdien qui apprend à conduire et il a fallu vider les rues de la ville”.
Un Saïdien était parti travailler à l’étranger. Il voulut donner de ses nouvelles à sa famille, mais ne sachant quoi leur écrire, il se fit photographier entre deux ânes. Sur le dos de la photo il écrivit: “Pour que vous sachiez me reconnaître, c’est moi qui suis au milieu”.
Un jour, un âne demanda à Dieu de devenir homme. Dieu lui répondit: “La seule chose que je puis faire pour toi, c’est de te faire Saïdien”. L’âne lui répondit: “Merci, je préfère encore rester âne”.
Un jour, un Saïdien arriva au Caire et il fut absolument époustouflé de voir toutes ces voitures qui roulaient à vive allure dans les rues. Il demanda à un passant: “Comment font-elles ces voitures pour avancer si vite?” Le passant lui répondit: Ne sais-tu pas que leur moteur marche avec de l’essence!”. Le Saïdien, qui était venu sur le dos de son âne au Caire, répliqua: “Où se trouve donc cette essence?”. Le passant lui indiqua un poste à essence et le Saïdien s’empressa de s’y rendre. “Je voudrais deux litres d’essence”. Le pompiste lui vendit donc ces deux litres que le Saïdien fit aussitôt boire à son âne. L’animal, après avoir ingurgité ce liquide, partit au grand galop si bien que le pauvre homme ne put le rattraper. Le Saïdien revint au poste d’essence: “Je voudrais encore deux litres”, dit-il au pompiste. Après avoir payé le précieux liquide, il l’ingurgita et la voilà qu’il partit à grande vitesse à la recherche de son âne. Il le rattrapa vite et à son retour en son village il vanta les mérites de l’essence.
A une certaine période, le ministère du Ravitaillement avait interdit en Haute-Egypte la vente du thé en petits sachets. Mais pourquoi? Les Saïdiens utilisaient ces sachets comme des médaillons autour de leur cou. Il en fut de même pour le ciment, car ils le respiraient comme de la drogue en poudre.
A l’époque où il n’existait que trois chaînes de télévision en Egypte, un Saïdien entra dans un magasin pour acheter trois télévisions. Le commerçant lui dit: “Mais pourquoi trois télévisions?” Et le Saïdien lui répondit: “ C’est pour regarder les trois chaînes en même temps”.
A la suite du tremblement de terre du mois d’octobre 1992, la maison d’un Saïdien s’inclina dangereusement. Après une forte réplique, la maison se redressa. Le Saïdien dit alors: “Si seulement il pourrait y avoir une troisième secousse, ma maison pourrait être alors recrépie!”. Les Cairotes interprétèrent ainsi ce tremblement de terre: un Saïdien est entré au Caire, il a lâché un pet et les maisons ont été ébranlées.
Un jour, deux Saïdiens regardaient passer deux avions. “Tu vois”, dit le premier, “ce premier avion est celui du Président de la République”. Le second lui répondit: “Comment le sais-tu?”. “Mais j’en suis absolument certain”, répliqua le premier tandis que le second lui affirma: “Ce n’est pas possible, car où sont les motocyclistes!” qui accompagnent les moyens de transports présidentiels.
Un Saïdien se présenta un jour chez le Chef de l’Etat: “Monsieur le Président, je voudrais que vous fassiez quelque chose pour nous en Haute-Egypte?”. “Bien!”, lui répondit le Président, “Je vais vous faire une nouvelle monnaie qui s’appellera le saïdien”. Satisfait, notre Saïdien se rend sur le marché pour acheter un âne. “Combien vaut cet âne?”. Et le marchand de répondre: “Cinquante saïdiens”.