Musiciens, chanteurs et les derviches tourneurs

Jeudi 24 Mai 2018-00:00:00
' Père Gérard Viaud

Plus loin, derrière la mosquée d’El-Hussein et dans les ruelles environnantes, des musiciens trônent au milieu des cafés avec flûtes, tambourins, castagnettes et oud (la guitare égyptienne). Parfois ils accompagnent un chanteur qui narre d’anciennes complaintes ou chante les dernières nouveautés. Clients du café et passants restent là, admiratifs et attentifs, écoutant musiques et chants qui font vibrer les cœurs.

Dans tout le quartier de Sayedna El-Hussein, échoppes, boutiques et magasins offrent de multiples articles aux visiteurs du soir: chapelets, encens, encensoirs, parfums, colliers, bracelets, fanous, livres religieux, sorbets, rafraîchissements, desserts, etc... Chacun achète ce dont il a besoin ou ce qu’il veut offrir à des parents ou des amis. Ces nuits de ramadan d’El-Hussein ne se trouvent nulle part ailleurs.

Parmi les personnages caractéristiques du mois de ramadan au Caire se trouvaient jadis les derviches qui sortaient de leurs couvents afin d’exécuter leurs rondes sacrées au rythme des tambourins, des flûtes et des fifres. Il existait deux catégories de derviches: les tourneurs et les crieurs. Mais ce nom de derviche était encore attribué à des personnages qui accomplissaient des tours extraordinaires avec des serpents ou le feu. Les derviches tourneurs ou crieurs sont disparus depuis quelques années, mais les derviches tourneurs sont évoqués par les rondes folles qui se déroulent chaque soir pendant le mois de ramadan dans la salle du palais de la culture d’El-Ghourieh, ce splendide monument qui avait été destiné à être le tombeau du sultan mamelouk El-Ghouri tué sur un champ de bataille près d’Alep en Syrie. Donc chaque soir pendant le mois de ramadan les nouveaux derviches tourneurs du Caire revêtent des robes très bouffantes et exécutent leurs ronde en tournant sur eux-mêmes avec rapidité sur la pointe des pieds. Selon le rythme de la musique, le derviche tourne lentement ou à une vitesse ahurissante. Le spectacle est très beau et captivant. Dans une rue du Caire, celle d’El-Sioufieh, au pied de la Citadelle, se trouve encore un couvent de derviches, mais il est vide. C’était celui des disciples de Mevlana Celaleddin-î-Roumi qui avait fondé à Konya en Turquie l’ordre mystique des derviches mevlevi. La poésie, la musique et la danse étaient les caractéristiques du mysticisme de ces derviches que vivaient ces hommes barbus, habillés de longues et larges robes serrées à la ceinture et coiffés de hauts bonnets. Pour eux, la musique entraînait les corps, faisait échapper l’âme de l’enveloppe matérielle pour lui permettre de s’élever vers le Créateur et de s’unir à lui. Les derviches, au cours de leurs rondes sacrées, entraient en union avec Dieu et le tourbillon de leurs corps, rendu de plus en plus rapide avec le rythme de la musique, permettait cette union divine. Mais, petit à petit, alors que la musique devenait moins bruyante, moins rythmée, les rondes devenaient plus lentes, l’âme se réintégrait au corps et les derviches retrouvaient cette condition humaine à laquelle ils avaient échappé un temps. Ces rondes de derviches d’El-Ghourieh, les soirs du mois de ramadan, ne sont plus que des représentations dénuées de tout sens mystique.