Le coup de Canon de l’iftar(2)

Jeudi 24 Mai 2018-00:00:00
' Magdi Chaker

Coup de canon de l’iftar...déjeunez.

Coup de canon d’abstinence...jeûnez.

Avec ces mots simples, les Egyptiens ont pris l’habitude de prendre leur iftar et leur Sohour.

Les jeûneurs se sont habitués depuis le début du Message que leur iftar et leur sohour soient associés à l’appel à la prière du Maghreb (après-midi) et du Fajr (aube) dans les jours du mois de Ramadan. Malgré le grand nombre de mosquées et de minarets au Caire, cette ville a connu le son du canon dans la période mamelouke en 859 de l’Hégire/1439 et a été la première ville islamique à utiliser cette méthode au coucher du soleil pour signaler l’iftar au mois de Ramadan.

L'apparition du coup de canon de l’iftar a eu lieu par hasard. Elle est advenue au premier jour du Ramadan en 859 de l’Hégire/1455. Le wali en Egypte était dans cette période le gouverneur mamelouk « Khoshkadam » qui signifie fais le bien. Il a reçu un canon en cadeau du propriétaire d'une usine allemande et a ordonné de l’essayer. Ceci coïncida avec le coucher de soleil. La population du Caire a cru que les tirs étaient un signal pour l’iftar. Le lendemain les aînés et les chefs des communautés se sont rendus à la maison du gouverneur pour le remercier pour son don à la population du Caire. Quand le gouverneur a appris cela, il a été vivement impressionné et a ordonné d’effectuer des tirs du canon au coucher du soleil chaque jour du Ramadan, et cela continue jusqu’à nos jours.

Il existe d'autres versions vu que le nom de l'arme a été lié à la hagga Fatima. En l'an 859 de l’Hégire/1455 quand les coups de canon qui ont été lancés par Khoshkadam à titre expérimental ont cessé, les ulémas et les dignitaires sont allés rencontrer le sultan afin de demander la poursuite de ces tirs durant le Ramadan. Ne le trouvant pas, ils ont rencontré l'épouse du sultan, appelée la hagga Fatima. Ils lui ont exprimé la demande qu'ils souhaitaient faire au Sultan. Ce dernier l’a approuvée, ce qui a fait que le canon a été appelé par des habitants du nom de Fatima et cela a continué jusqu'à présent. A noter que les soldats tenus de charger le canon l’appellent actuellement du même nom et on a probablement dit qu’il s’agirait de Fatima la fille de Khédive Ismaïl.

Une autre version célèbre pour son apparition dit que Mohammad Ali le Grand avait acheté un grand nombre d'armes à feu de guerre modernes dans le cadre de son projet de construction des forces de l'armée égyptienne et à un des jours du Ramadan, les préparatifs ont été faits pour lancer une de ces armes à titre expérimental. Une salve du canon a alors été tirée au même moment du coucher du soleil et de l’appel à la prière du Maghreb à la Citadelle. Les jeûneurs se sont alors imaginé que c'est une nouvelle tradition et s’y sont habitués. Ils ont demandé au gouverneur que cette tradition se poursuive pendant le mois de Ramadan au moment de l’iftar et à l'heure du Sohour. Il a accepté et a transformé le lancement du canon à balles réelles deux fois par jour en un phénomène du Ramadan que les Égyptiens vivent chaque année.

Le Canon a continué à fonctionner avec des munitions jusqu'en 1859, mais la construction régulière autour de la place du canon près de la Citadelle et l'émergence d'une nouvelle génération d'armes à feu qui fonctionnent avec des munitions non réelles ont conduit à renoncer à l’emploi de balles réelles car il y avait des plaintes de l'impact de ces balles sur les bâtiments de la célèbre Citadelle. Raison pour laquelle advint le transfert du canon de la Citadelle au poste d'incendie à proximité de la zone d’el-Darrassa à Al-Azhar, puis il fut transféré pour la troisième fois à la ville d’El-Boouth près de l'Université Al-Azhar.

Il y avait au Caire jusqu'à récemment six canons répartis dont deux à la Citadelle, deux à Abbassia, un à Héliopolis et un autre à Helwan. On effectuait le tir une fois de différents endroits au Caire pour qu'il soit entendu par tous ses habitants. Il était monté dès le premier jour du Ramadan dans les camions de pompiers le matin. Il était bien connu que ces canons étaient sur place cinq fois, une à Ramadan, à la naissance du Prophète, à l'Aïd al-Adha, à la nouvelle année islamique et à la fête de la révolution. Cela se passait à ces occasions dans une grande cérémonie où ils étaient montés sur les voitures tirées par des chevaux. On a toujours pris en compte qu'il y ait deux canons à la fois à la Citadelle et à Abbassia de peur que l'un d'eux ne tombe en panne.

La suspension des tirs du Canon à cause de la guerre pendant quelques années a donné lieu à la négligence jusqu'en 1983 lorsque la décision a été prise par le ministre de l'Intérieur égyptien de relancer le canon sur la citadelle Saladin au sud du Caire, mais la poursuite des plaintes des archéologues de la détérioration de l'état de la Citadelle et l’impact du son sur les pierres ont conduit à son transfert de sa place, d'autant plus que la zone a plusieurs monuments islamiques importants.

Le canon repose maintenant sur le plateau de Moqattam, une zone proche de la forteresse, et d'autres armes ont été placées dans différents endroits.