Le Nil était et demeurera l’élément de base de la vie de l'Egypte. Quand Hérodote a dit que l'Egypte est le don du Nil, Mohammad Chafik Ghorbal lui a répondu : l'Egypte est certes le don du Nil vu que les Égyptiens l'ont dompté, y ont mis des barrages, creusé des canaux pour transporter son eau et mis en place autour de lui des villages et des villes et ils l'ont même sanctifié et en ont fait un de leurs dieux, Hapi, qui est dépeint sous forme d'un homme géant ayant de larges hanches et de gros seins, symbole de fertilité, combinant les qualités de l'homme et de la femme, tenant les largesses du Nil se composant de poissons, de fleurs, d’oiseaux, et portant sur la tête les deux symboles de l'Egypte, le papyrus et le lotus. Hapi n'avait ni temples ni prêtres à son service parce qu'il était vénéré partout avec le crocodile Sobek, le belier Khnoum, la grenouille Haqt et l'eau éternelle Noun. Et ils l'appelaient dans leur langue Aitoroua. Le mot « Nil » en rapport avec le mot grec Niolos a été mentionné par Diodore. Les anciens égyptiens l’appelaient Egyptos en mémoire
du roi d'Egypte Niolos. Son eau purifiait le roi et les prêtres dans des pots en or avant leur prière et ils appelaient son eau « Mo ». Il y avait dans chaque temple un lac pour la purification. Les Egyptiens ont même créé un événement spécial qu'ils ont appelé le festival de la fidélité au Nil. Qu'est-il et comment a-t-il commencé et est-ce que les mariées du Nil sont une réalité ou un mythe ? Retour à l'année 4241 av. J. C. pour voir les prêtres astronomes assis dans leur observatoire dans la ville de Per-Hapi, demeure de la divinité Hapi, actuellement située dans la région d'el-Roda entre les villes d'On et de Memphis. Ils scrutent à travers leurs instruments le ciel le quinzième jour de Baounah peu avant le lever du soleil et on les voit applaudir à la vue de l'étoile du Yémen de Sirius qu’ils appellent Subdeh ou Sotis similaire à une femme portant des plumes brillantes et brûlantes dans le ciel, ce qui est de bon augure pour une inondation.
Ils commençaient la nouvelle année selon le premier calendrier au monde, le calendrier nilotique qui précède le calendrier solaire et lunaire. Et ils célébraient la fête de la goutte. Il s’agit de la larme d'Isis versée pour son époux Osiris. Ils pensaient que le Nil venait du versement de ses larmes. Puis, ils attendaient jusqu'à la décoloration de l'eau en rouge en raison du limon, ceci durant la seconde moitié d'Août et que la hauteur de son eau atteigne seize bras, ce qui est suffisant pour la sécurité hydraulique.
L'eau était mesurée par des mesurages portables se composant d'une tige graduée qui était conservée dans le temple ou une échelle de pierre numérotée placée à côté du temple appelée Nilomètre. C'est alors que le pharaon ou son adjoint, tous les prêtres et hommes d'Etat supérieurs et tout le peuple se levaient à l'aube pour célébrer, danser et chanter des chansons appelées les chansons du Nil et ils jetaient des fleurs et égorgeaient un veau blanc et offraient de petites statues d'or, d'argile et de bois au dieu Hapi du Nil afin de leur fournir l'eau et la fertilité abondante. Comment ne pas faire cela alors que le Nil est l'un des piliers de leur vie et l'édificateur de leur civilisation ? Ils se dispersaient rapidement, car il n'y avait pas de temps à perdre. Ils devaient construire des digues et des reservoirs car l'élévation du niveau de l'eau détruisait leurs champs. Donc, ils devaient ériger des digues et des réservoirs pour protéger, creuser et nettoyer des canaux pour fournir l'eau. Et ils profitaient des inondations pour le transport des marchandises, des obélisques et des pierres pour construire des temples et des tombes. C'est ce qui les a aidés dans le transfert de leur culture et leurs marchandises à leurs voisins. Les vents calmes aidait le mouvement des bateaux du nord au sud et viceversa.
C'était le principal moyen de transport et la liaison entre les regions. Cette fête fut aussi célébrée à l'ère islamique avec des rituels conformes à l'Islam. Lorsque le niveau du Nil à l'époque abbasside dépassait les 165 bras, des celebrations spéciales étaient organisées. Et à l'ère fatimide, les cheikhs se réunissaient à côté de la mosquée du Nilomètre à el-Roda pour achever la lecture du Coran et le lendemain matin, le Calife montait à dos d'âne pour announcer le début de la fête. Des festivities grandioses avaient lieu dans le pays et la celebration a continué aux époques ayyoubide et mamelouke. L'historien Ben Ayas à l'époque mamelouke relate comment la Dahabiya (vaisseau) du Sultan sortait de Boulac, ornée de fleurs et de drapeaux et comment elle était reçue par les princes au rythme des tambours. Et cette festivité a continue jusqu'à récemment, elle est célébrée à la seconde moitié d'Août.
Quant à la légende de la jeune mariée du Nil, il y a une version basée sur les écrits de Plutarque. L'historien grec et l'historien musulman ibn al-Hakam ont dit que les égyptiens choisissaient
une belle fille et la décoraient pour la jeter dans le Nil. Un jour, il y eut un roi juste qui aimait son peuple. On ne trouva pas de fille convenable et on lui demanda de sacrifier sa fille, il fut peiné, mais
sa femme de chambre l'avait remplacée par une jeune mariée en bois. Le roi s'en est réjoui. Mais nous savons que les anciens
Egyptiens appréciaient l'homme et qu'ils n’étaient pas enclins à faire des sacrifices humains à leurs dieux. Hérodote, l'historien qui a souvent écrit sur l'Egypte n'a pas mentionné cet incident et ces contes ont été rapportés après le déclin de l'ancienne civilisation égyptienne.
A noter que l'ancien Egyptien enregistrait tous les détails de sa vie quotidienne sur les murs des tombes et des temples et il n’a jamais mentionné ce mythe. Un chercheur français nommé Paul Angers a effectué une recherche sur cette question et est arrivé à la conclusion que les anciens égyptiens jetaient un poisson qui avait une ressemblance avec l’homme et appelé « homme de mer ». Les Égyptiens décoraient les poisons de couleurs vives et les jetaient dans le Nil lors d’une procession. Les poètes, écrivains, artistes et le cinéma ont abordé cette histoire dans des films comme « La mariée du Nil » avec Rochdi Abaza et Lobna Abdel Aziz.
En fin de compte, si certains pensent que sans le Nil, la civilisation de l'Egypte n'aurait pas existé et les Égyptiens n'auraient pas été mentionnés dans l'histoire, nous répondons en leur disant que le théâtre ne crée pas une bonne oeuvre d'art sans la présence des meilleurs acteurs. De même, lors de sa visite en Ethiopie, Strabon a dit que son peuple menait une vie rude, même si elle est comme l'Egypte.
Ainsi, imitons nos ancêtres en ne pollutant pas les eaux du Nil et en profitant de cet événement pour organiser une célébration sur des bateaux pharaoniques et en portant des vêtements pharaoniques, ceux des rois et des reines d’Egypte.