Ma première enfance était gaie; ensuite, elle était triste. Au début, c’était normal, car j’étais la première enfant de mes parents, et la première petite-fille de mes grands-parents; j’étais donc gâtée, mais cela n’a pas demeuré.
A 3 ans, on m’a inscrit dans une garderie où la maîtresse ne cessait pas de crier et de me faire subir des punitions, et où une des filles me battait chaque jour, de façon que je rentrais tous les jours le visage griffé ou le nez saignant; ma gentillesse- ou peut être ma faiblesse- m’empêchait de la signaler à la maîtresse. D’ailleurs, je détestais cette maîtresse, je faisais exprès de ne pas répondre à ces questions quand elle m’interrogeait, au point qu’elle a cru que je n’étais pas assez intelligente.
Quand j’ai dit à mon père que je ne voulais plus aller à la garderie, il m’a dit que nous irions prochainement en Tunisie; ce qui m’a excité. Dès ce moment, je lui posais tous les jours une seule question : Quand est-ce que nous irons en Tunisie?
Durant ma première année en Tunisie, tout se passait bien. J’ai fait connaissance de mes petits voisins et voisines avec lesquels je jouais dans le jardin de l’immeuble; et Je me suis même fait une amie intime : Lamiaa, qui habite dans l’appartement juste en face de moi, au onzième étage. Il y avait trois appartements dans chaque étage; et la meilleure chose pour moi, c’était que dans chacun d’eux, il y avait un grand espace commun où je pouvais jouer avec Lamiaa.
On mettait une petite table et des petites chaises où on s’asseyait en faisant semblant de manger. On inventait toutes sortes de jeux ; et aux rayons du soleil, qui venaient de la fenêtre, et qui me faisaient rêver, je contemplais la voiture en jouet, conçue de façon à se bouleverser après quelques secondes de sa mise en marche, ou bien la toupie qui tourne sur elle-même, la vitesse lui donnant des formes différentes.
Durant cette année, on n’a pas pu m’inscrire à la maternelle, car il était trop tard; donc je suis allée à une garderie avec Lamiaa qui me défendais lorsque quelqu’un me dérangeait, et j’aimais beaucoup sa compagnie. A la fin de la journée, sa bonne venait pour nous chercher et nous faisait rentrer à la maison ensemble. En cour de chemin, on bavardait, rigolait, sautait et on tournait autour de nous même comme les derviches, nos robes gonflées par le vent.
A suivre…