Je me promène dans les rues du centre-ville, et je remarque en regardant les vitrines des magasins que des motifs patrimoniaux se sont répandus, comme l’usage de l’étamine bédouine, la main de Fatma, l’éblouissante calligraphie arabe, le khayameya et les ornements étroitement liés à l’oasis Siwa. Ceci ne concerne pas seulement les vêtements mais aussi les sacs, les accessoires, les nappes, etc...Ces motifs existaient déjà depuis longtemps, mais les produits qui les portent se vendaient à de très hauts prix, alors, seulement les élites et les touristes les achetaient. Nous témoignons donc, aujourd’hui, de ce qu’on appelle la vulgarisation de l’art et du patrimoine.
Ceci est peut- être dû à une prise de conscience que le patrimoine est un trésor que nous devons protéger, y investir et ne pas abandonner ; et que les industries artisanales nous ont gardé ce patrimoine. Il a fallu donc les promouvoir et introduire la technologie moderne dans la fabrication de ses produits sans compromettre sa splendeur, sa beauté et son originalité. Ceci est peut-être aussi dû à la diminution du nombre des touristes ; les producteurs ont donc parié sur l’acheteur égyptien appartenant à la classe moyenne. Depuis deux ans, l'interdiction de l'importation des lanternes chinoises plastiques sans âme, pour le Ramadan, a donné libre cours à la créativité des Egyptiens et leur ingéniosité dans la fabrication des lanternes en cuivre et en bois, et l’introduction du khayameya dans de nombreux usages. Est-ce que l’Egyptien ne s’épanouit que dans les crises et seulement quand il est entouré de problèmes?
Nous avons peut-être aussi découvert que la vulgarisation du patrimoine contribue au renforcement de l'identité et que même l'art est indirectement lié à la politique et à l'appartenance nationale. La main de Fatma, par exemple, qui représente la paume de la main avec les cinq doigts tendus, est censé symboliser la cohésion et l'unité face aux envieux et aux rancuniers.
L'art est aussi associé à l'état psychologique de l'individu, remontant son moral et augmentant son désir de travailler: la vision de la beauté a l'effet de magie sur lui ; et surtout si elle est, de plus, faite de ses propres mains.
Je parcours les posts d’un groupe sur Facebook qui publie des photos du Caire, ou de l'Egypte en général, dans le passé ; et je trouve que tout le monde se plaint: Où est-ce qu’elle est disparue cette beauté? L'une des photos, prises en Haute-Egypte, montre des filles qui ne portent pas de foulard et qui font du vélo en toute sécurité. Nous pouvons conclure que la propreté du lieu, l'organisation et la beauté peuvent être la cause et non seulement la conséquence de la prévalence de l’éthique. Quant au chaos et à la saleté, ils créent un environnement propice pour le harcèlement et l’érosion des valeurs morales.
Mais, j’ai remarqué dernièrement que beaucoup d’immeubles au centre-ville du style européen ont été repeints et des panneaux ont été mis en place avec le nom des rues et leur histoire. J’aimerais que ce projet mette une touche de beauté sur la capitale égyptienne et nous unisse avec notre patrimoine culturel.
En fin de compte, nous trouvons que tout est lié:la politique, l’éthique, l’art et la beauté. Ceux qui nient l'art (le grand art et non l’art vulgaire) nous privent de la beauté, et nous laissent en proie aux idéologies extrémistes. L’art n’est pas seulement la musique, la cinématographie ou la chanson, mais il doit faire partie de notre vie quotidienne.