Le cinéma reflète-t-il le lieu ou contribue-t-il à la création du lieu dans lequel nous vivons? Quelle est la relation entre les personnages dans le film projeté et le lieu? Quelles sont les relations spatiales dans ce même film ? Quelle est l’identité du lieu et des personnages ? Comment notre relation avec des personnes dans un endroit particulier peut former notre conscience à propos du lieu ?
Telles sont les questions soulevées par l’atelier organisé le 8 septembre dernier par le réseau Amoun pour les chercheurs dans l’art et la littérature en collaboration avec le coin francophone de la bibliothèque centrale de l’Université du Caire, intitulé « Comment lire Paris dans le cinéma ? », dirigé par Dr. Salma Moubarak, professeur d’art et de littérature à l’Université du Caire, et dispensé en arabe, pour garantir un plus large public. Le film dont il est question est « Paris, je t’aime », sorti au cinéma en 2006. L’atelier a la vocation de munir les participants des outils nécessaires pour analyser un film cinématographique, en appliquant ces outils au film susmentionné.
« Paris, je t’aime » est un film collectif composé du 18 sketchs, chacun d’eux correspondant à un arrondissement parisien. A l’origine, 20 sketchs ont été tournés correspondant aux 20 arrondissements de Paris, mais enfin, 18 ont été retenus.
Le film souligne la contradiction entre Paris comme on la voit sur les cartes postales, ou comme on l’imagine, et la réalité. D’ailleurs, comment est représenté l’Autre à Paris et comment les parisienseux-mêmes sont représentés.
Durant cet atelier, 3 sketchs ont été choisis pour former les participants : Tuileries, Loin du 16ème, Quais de Seine.
Le premier sketch « Tuileries », un quartier très touristique, représente un touriste américain qui vient de sortir du Louvre, et lit un guide touristique, qui lui donne des instructions sur les comportements à adopter. Quand il brise les lois tacites et regarde un français qui embrasse sa copine, le français se met en colère. Dans un acte surprenant, la jeune femme change de quai et embrasse goulûment le touriste. Le jeune homme la rejoint en insultant, réprimandant le touriste, et vidant son sac sur lui, comportant des cartes postales de la Joconde. Là, nous pouvons se demander est-ce que cet incident pour reconstituer l’idée sur Paris de ce touriste à jamais, et même nous comme spectateurs ?
Dans le 2ème sketch, « Loin du 16ème », comme son nom l’indique, est loin de représenter le quartier bourgeois du 16ème arrondissement. Il met en scène une jeune nourrice sud-américaine qui habite un dortoir à l’Est populaire de Paris, qui laisse son bébé dans une garderie, et qui prend les moyens de transport pour rejoindre l’appartement élégant et bourgeois du 16ème pour garder un bébé d’une autre. La souffrance et la tristesse de la jeune nourrice prend le dessus. La contradiction entre les deux lieux principaux (le dortoir et l’appartement élégant) est flagrante.
Dans le 3ème, « Quais de seine » se déroule à Montmartre. Au début, on passe de l’échelle macroscopique, avec l’église du Sacré-Cœur au milieu, à l’échelle microscopique. Quelques jeunes hommes sont en train de harceler les filles. François ne fait pas part de ces frivolités. Il examine une fille musulmane voilée, qui trébuche, ensuite, et tombe. Il va à son secours, puis l’aide à remettre son voile qui se glisse. Français franchit une barrière pour se trouver en face d’une grande mosquée, il hésite un peu de marcher vers cet univers nouveau pour lui, puis il s’encourage et rencontre la fille et son grand-père et se déplace avec eux, le vieil homme lui disant que la fille veut être journaliste au Monde pour décrire « sa France à elle ».
On est devant des mondes différents, entre les quelles des barrières sont bien tracées. Dans les 3 sketchs, il y a l’idée du passage : le passage de la fille d’un quai à un autre dans le 1er sketch, le passage d’un quartier populaire à l’Est de Paris à un autre élégant à l’Ouest dans le 2ème, et le passage d’un univers à un autre dans le 3ème, ce qui met l’accent sur le trajet que le Moi doit faire pour rejoindre l’Autre et le comprendre enfin.