En lui interrogeant plus sur « les miracles » de Sayeda Nafissa, elle m’a dit qu’une femme aveugle a retrouvé la vue après avoir longtemps prié près du mausolée ; et que du temps de Sayeda Nafissa, une femme ayant une brûlure au pied a guéri après s’être lavée le pied avec l’eau des ablutions de la femme sainte. J’ai fait semblant de porter intérêt pour ce qu’elle a dit. En pensant que «si je suis à Rome, je dois faire comme les Romains», j’ai, ainsi, acheté les fleurs. J’ai ensuite fait ma prière dans la mosquée, devant laquelle il y avait une personne qui distribuait des sandwichs de viande hachée ; une foule de gens se pressait pour que chacun ait sa part. Puis, je me suis dirigée vers le mausolée.
Pour m’y rendre, j’ai marché dans un long couloir où un restaurant dressait des tables auxquelles des gens mangeaient des soupes de fèves, des soupes aux lentilles et de la «bissara» (purée de fèves). Lorsque je suis entrée dans le mausolée, une sensation forte m’a envahie, une sensation de spiritualité peut-être, je ne sais pas exactement. Mais c’était comme un champs magnétique, plus tu t’y approchais, il devenait plus intense. Une femme m’a dit que Sayeda Nafissa est enterrée dans sa chambre même où elle faisait ses prières et mentionnait Dieu. J’ai mis les fleurs entre les barreaux.
De l’autre côté réservé aux hommes, une voix s’est élevée : «Oh, fils d’Ismaël, fils de Haggar, l’Egyptienne, est-ce que vous réalisez le statut de l’Egypte ?». C’était certainement l’un des «magzoubs» (déments) soufis de Sayeda Nafissa. J’ai remarqué en tête de queue une femme en pleurs, tenant les barreaux et implorant Dieu peut-être, ou Sayeda Nafissa elle-même, ce qui est contesté par la majorité des oulémas. Une autre caressait les barreaux, puis essuyait ses habits, croyant, à tort ou à raison, qu’elle a eu la bénédiction de l’endroit. En sortant, j’ai entendu une femme d’un certain âge, qui était avec sa jolie fille bien maquillée, demandant à un cheikh de prier Dieu qu’il compense sa vie avec meilleur destin (La fille est surement divorcée ou veuve). Un autre cheikh mettait la main sur la tête d’une petite fille, sur les genoux de sa mère triste, lui récitant du Coran.
Il acceptait, en échange, n’importe quelle rémunération. Sa récitation me figeait en place, ne voulant pas quitter les lieux. Une expérience étrange qui mérite d’être réessayée ; chaque fois que les tensions du quotidien s’emparent de moi, j’irai, pour laisser place à la sérénité qui dure plusieurs jours après « la visite ».