Dès le début de Thaïs, Anatole France, passionné de la clairvoyance, a présenté un vrai tableau concernant les pères du désert qui mènent une vie pénible, refusant tout plaisir profane. Décrivant leur souffrance et leur douleur, le romancier français pousse ses lecteurs à se demander si les anachorètes se réfugient dans le désert pour imiter la pureté du Christ ou pour échapper aux impôts romains qui se multipliaient sans cesse.
Observant leur vie ascète, nous croyons que les pères du désert se montrent comme des saints, ayant un rôle efficace à jouer en vue de réformer la société. Mais l'auteur nous surprend en faisant insulter Paphnuce dès son arrivée à Alexandrie. « Oh! le méchant moine - disent les petits enfants – Il est plus noir qu’un cynocéphale et plus barbu qu’un bouc ». Ils le comparent ainsi aux animaux sauvages ; bien plus, ils lui lancent des cailloux ». Cette scène révèle un mépris social vis-à-vis des moines.
Il serait nécessaire d’affirmer que l'auteur insiste à rendre la scène plus sombre. Il pousse l’abbé d’Antinoé à conduire le lecteur aux églises d’Alexandrie, mais l’abbé ne peut y entrer parce qu’elles sont polluées par les hérétiques. Le narrateur veut ainsi mettre l’accent sur la persécution des Chrétiens. Il présente de même une réalité historique, en affirmant que les Ariens qui étaient soutenus par l’empereur d’Orient, avaient chassé le patriarche Athanase de son siège épiscopal, et ils remplissaient de troubles et de confusion les chrétiens d’Alexandrie.
L'auteur de Thaïs s’efforce à mettre en relief la lutte entre l’ancien paganisme, se trouvant encore à Alexandrie et la religion chrétienne, attirant beaucoup d’opprimés, d’esclaves, de simples gens, de courtisanes. France essaie de critiquer les persécutions et les violences des empereurs Romains contre les premiers Chrétiens qui ont catégoriquement refusé d’adorer les monarques sacralisés.
Les événements se déroulent ainsi sous le règne de Constance. Cependant le narrateur fait un retour en arrière, non seulement pour relater l’enfance de son héroïne, mais aussi pour mettre l’accent sur la tyrannie exercée contre les Chrétiens au temps de Dioclétien (284-305). Cette période est marquée par des massacres sanglants dans les villes insoumises, particulièrement Alexandrie. C’est l’époque durant laquelle meurt Ahmès et devient saint Théodore. « En ces jours-là – écrit l'auteur – l’Eglise subissait l’épreuve suprême. Par l’ordre de l’Empereur, les basiliques étaient renversées, les livres saints brûlés, les vases sacrés et les chandeliers fondus. Dépouillés de leurs honneurs, les Chrétiens n’attendaient que la mort. La terreur régnait sur la communauté d’Alexandrie, les prisons regorgeaient de victimes ».
D’après le document précédent, l'auteur a réussi à mettre en lumière cette période terrible. Il a parlé des Ecritures sacrées qui ont été brûlées, des églises et des sanctuaires ruinés, des prisons pleines de croyants. Ceux-ci ne pouvaient supporter ni les ongles de fer, ni les fouets. Désespérés, ils préféraient la mort. C’est pourquoi, ils se sont réfugiés dans le désert.