Lorsque vous séjournez longtemps dans un pays étranger, vous passez par quatre phases d’adaptation : La première est appelée «la lune de miel», où vous ressentez de l’enthousiasme pour découvrir un nouveau pays et une nouvelle culture ; la deuxième est appelée «le choc culturel», une période de désillusion et de frustration, où vous vous confrontez aux réalités et aux difficultés de la vie quotidienne et où vous ressentez une perte ( de la sécurité familiale, de la langue, de la manière de vivre, etc…); la troisième, c’est «l’adaptation ou l’échec», où la personne s’intègre ou prend ses distances ; et enfin la quatrième, c’est «la maturité», où les différences sociales et culturelles sont acceptées, et où l’individu est capable de fonctionner avec sa culture d’origine de même que la nouvelle culture.
Au Canada, pendant que j’étais dans la période de «lune de miel», je suis sortie avec des amies. On était dans la voiture de l’une d’elles qui est Marocaine. Elle conduisait, on discutait et on riait. J’ai dit que j’espérais rester au Canada et ne pas retourner en Egypte. Puis tout à coup, Hoda, la Marocaine, a mis une chanson de Chab Khaled que j’adore et qui s’appelle «Wahran» ou «Oran». Les mots coulaient me donnant du mal au cœur ; ils disaient : «Oh, Oran, t’es enfoncée vers ta perte, quel dommage! Des gens brillants t’ont quitté pour immigrer, et sont restés là-bas confus, comme le séjour à l’étranger est difficile et insidieux!». Là, je n’ai pas pu retenir mes larmes, et j’ai explosé en pleurs. Une de nos amies, qui est Roumaine et qui ne connaissait pas l’arabe, est restée perplexe, car elle ne comprenait pas ce changement brusque dans mon attitude. On lui a donc expliqué la chanson.
Vous pouvez, ainsi, deviner que la période du «choc culturel» était très difficile pour moi. Je suis un être solitaire de nature, mais à l’étranger la solitude est encore plus douloureuse, car elle est mêlée de nostalgie.
Le mot «nostalgie» se compose de deux racines grecques : νόστος= nostos = rentrant à la maison, et άλγος= algos = douleur/se languir. Il se rapporte, donc, à la douleur que la personne ressente car elle souhaite retourner à sa terre natale.
Pour faire face à cette douleur, je me comportais comme si j’étais en Egypte ; je faisais les mêmes choses que je faisais dans mon enfance. La première chose que j’ai achetée était une théière, qui coutait cher quand même, et à sa place, j’aurais dû acheter une bouilloire ; mais, peut-être dans mon inconscient, ça me confortait car ça me rappelait ma maison. Durant la fête de l’Aid El-Fitr, j’ai acheté le «kahk» au sucre, un genre de pâtisserie sèche, d’un supermarché qui vend les produits du Moyen-Orient. Et durant la fête de l’Aid El-Adha, j’ai moi-même cuisiné le «fatta», très populaire durant cette occasion. Je me tressais aussi souvent les cheveux comme ma mère les faisait durant mon enfance. Des amis égyptiens, qui vivaient depuis longtemps au Canada m’ont demandé ce que je buvais le matin, et quand je leur ai dit fermement que je buvais du thé au lait, ils ont éclaté de rire. Car au Canada, il y a toutes sortes de café : américain, macchiato, cappuccino, etc. Mais je ne leur ai pas dit qu’avant que j’arrive au Canada, la dernière fois que j’ai bu du thé au lait, c’était quand j’avais 12 ans, chez ma grand-mère, décédée maintenant, et que j’aimais tant.