Le 30 juin, une nouvelle aube pour la culture

Mardi 03 Juillet 2018-00:00:00
' Dr Nesrine Choucri

Cinq ans se sont écoulés depuis 2013. Mais, un retour en arrière rappelle à quel point la situation était grave. Le président déchu Mohamed Morsi était une vraie menace pour l'Egypte, mais la menace ne concernait pas uniquement la vie politique ou économique. En tout cas, les intellectuels l'ont vécue différemment. Il s'agissait notamment d'une menace qui a commencé lorsque Morsi, se croyant capable de donner un coup dur aux intellectuels d'Egypte, a décidé de nommer au poste de ministre de la Culture la figure frériste et rétrograde, Alaa Abdel-Aziz. Ce dernier à peine accédé à son poste acherché par tous les moyens à s'emparer des rênes de la scène culturelle en Egypte. Il était clair que les Frères Musulmans avaient décidé de castrer les figures de proue de la scène culturelle égyptienne pour imposer ses idées fascistes, obscurantistes et fréristes.

Pour la première fois dans l'histoire d'Egypte, les intellectuels ont manifesté: ils ne pouvaient plus supporter ce recul qui allait au-delà de la logique. Mais, l'arrogance des Frères a dépassé toutes les bornes comme d'habitude. Le ministre des Frères Musulmans, chargé du poste de la Culture, a pris la grave et stupide décision de supprimer tous les spectacles de ballet à l'Opéra du Caire. La raison: le ballet est un art dévergondé qui serait en train de corrompre la société égyptienne et la détruire. Un prétexte qui n'a pas été accepté par les intellectuels d'Egypte ainsi que la plupart des Egyptiens. A l'époque, Dr Inès Abdel-Dayem était la présidente de l'Opéra du Caire. Courageuse et fière de son rôle en tant qu'artiste, elle n'a pas cédé facilement. Elle a insisté à s'opposer aux Frères Musulmans. Evidemment, Alaa Abdel-Aziz a eu recours à de sales stratégies pour l'effrayer, il l'a d'abord démise de ses fonctions, puis, l'a menacée de la faire comparaître devant la justice pour des raisons infondées. L'essentiel était d'intimider pour garantir que cette femme de calibre va fermer la bouche, mais cette dernière n'a pas fermé la bouche. Au contraire, elle a continué à lutter avec calme. Son sourire, malgré les menaces, était sa seule arme. Une arme digne d'une intellectuelle. Les sit-in et les manifestations des intellectuels se sont multipliés. La colère avait atteint son apogée. Et, les Egyptiens se sont rendus compte que culture et art ne peuvent rimer avec le régime fasciste des Frères Musulmans.

Cinq ans après la glorieuse Révolution du 30 juin, les Egyptiens se rappellent encore que si les Frères Musulmans étaient restés au pouvoir l'Opéra du Caire aurait été probablement démoli ou tombé dans l'abandon. Les enjeux culturels étaient nombreux et la pensée libre n'était plus tolérée. Ceux qui osaient parler d'arts risqués d'être taxés de mécréance et d'apostasie. Heureusement, cette page noire a été tournée et aujourd'hui, on se rend compte plus que jamais que la Révolution du 30 juin était une nouvelle aube pour la culture égyptienne.