Moi et la cuisine ne rimons pas ensemble. Notre relation a débuté au temps où j’étais encore écolière. On nous divisait en deux groupes : Les garçons apprenaient l’agriculture ; et les filles, la cuisine. En moi, il y avait une révolte silencieuse contre ce « sexisme », même si, à ce temps-là, je ne connaissais pas encore le terme. Et si je préférais de planter au lieu de cuisiner ? Pourquoi on ne nous donne pas la liberté de choisir entre les deux ?
Il parait que j’ai eu conscience très tôt d’un mal de notre société : La cuisine est placée dans un rang inférieur par rapport aux autres activités ; en même temps, elle est attribuée à la femme ; et encore, la femme qui ne sait pas cuisiner perd de sa féminité.
Je me souviens qu’au début de ma carrière, j’ai fait connaissance d’une femme de la classe populaire, qui travaillait avec nous comme fonctionnaire d’administration. Une fois, je l’ai entendue parler au portable avec son mari en lui disant : « Si je rentre, et que je ne trouve pas le poulet mariné et grillé, tu auras de mes nouvelles ! ». Un peu plus tard, je l’ai vue faire sa prière, ayant à côté d’elle sa collègue qui m’a posé la question très classique : « Est-ce que tu sais cuisiner, chérie ? ». J’ai compris tout de suite qu’elle a un prétendant pour moi. J’ai répondu sans réfléchir : « Non, c’est lui qui doit cuisiner », pour me débarrasser d’elle. La première femme a vite terminé sa prière en disant « Asalam alaykom wa rahmat allah, Asalam alaykom wa rahmat allah ». Puis a dit tout de suite : « Non, elle ne servira à rien, elle ne servira à rien » avec son accent populaire qui remplace le « t » par un « tch ». Quel paradoxe !
Mais en fait, j’ai commencé à cuisiner dès 13 ans à peu près. Ma mère me disait, à la hâte, la recette du plat que je dois préparer, avant de partir le matin pour prendre le bus du travail. Je pleurais presque en lui disant de répéter les ingrédients, car elle parlait vite et j’ai une mémoire de poisson rouge. Mais, enfin, je réussissais ma mission, à l’exception de quelques petites erreurs.
D’ailleurs, j’attends le Ramadan chaque année pour préparer un met et ensuite le partager entre amis. J’achète moi-même tous les ingrédients à mes propres frais et je les cuisine. Par exemple, une salade de thon et du poulet panné. C’est vrai que pour certains, c’est du n’importe quoi, puisque c’est trop facile. Mais, ça me donne un sentiment de satisfaction et de fierté à l’égard de ma personne. Tout dépend du plaisir que tu prends en accomplissant une tâche quelconque ; si tu l’accomplis avec amour, tu y excelleras ; si tu l’accomplis obligatoirement, ça n’aura pas un goût parfait.