Quoi de plus naturel que de se parfumer au saut du lit, en sortant de la douche ou sur le pas de la porte avant de sortir? Un geste simple et routinier, paraît-il? Mais pour tirer ce parfum qui vous embaume, toute une histoire riche et passionnante qui commence où?... Certes en Egypte !
De tous les pays, l'Egypte est le plus apte à produire des parfums, peut-on lire dans le livre XIII, 26 de Pline l'Ancien. Les Egyptiens passent donc pour être les maîtres incontestés de cet art (source : Sillages Paris). Dans un rapport préparé par le YouTuber Drew Binsky, toute une histoire passionnante sur l'extraction du parfum d'une petite fleur blanche bien connue en Egypte qu'on appelle le jasmin.
Drew - en faisant une tournée dans les différentes villes et régions en Egypte - commence alors par se demander : « Vous dépensez des centaines de dollars pour vous procurer un parfum spécial ? Saviez-vous alors que ce parfum est extrait d'une petite fleur cultivée dans un village au Nord de l'Egypte ? ». Drew, enthousiasmé donc, fait un rapide voyage dans le village égyptien, pour nous présenter comment fabrique-t-on un parfum à base de jasmin égyptien.
Tout d'abord, expliquons que le parfum remonte aux premiers temps de l'Egypte antique, où chaque matin, le Pharaon et tous les prêtres faisaient, non seulement des encensements, mais aussi des onctions odorantes sur la statue de leur dieu, censé être enduit avec son odeur, la sueur qui est sortie de sa chair, peut-on lire dans les livre d'Histoire (Erman 1952 : 122-123). Ce ne serait donc pas une exagération lorsque pour parler d'un parfum égyptien, on s'exprime en le qualifiant d’être « la sueur des dieux du Nil ! ».
La belle Cléopâtre, en allant à la rencontre de son amant Marc Antoine, n'embarquait-elle pas à bord d'un bateau aux voiles enduites d'essence de jasmin ! Une senteur voluptueuse, suave, envoûtante et capiteuse, servant d’invitation à l'amour.
De l'Antiquité donc et jusqu'à l'orée du 19ème siècle, le parfum reste profondément marqué par ses relations étroites avec la chair. Son histoire est celle d'une désincarnation qui a conduit à en faire un produit ou un objet marketing.
Revenons au reportage de Drew Binsky, il commence par souligner qu'un village appelé « Shubra Blula » situé au Nord de l'Egypte - quelque part entre Le Caire et Alexandrie - abrite pas plus de 10 000 habitants.
A première vue, dit-il, ce village vous paraît semblable à toute autre zone rurale au Nord de l'Afrique. Mais en se baladant dans ce petit village, autre que l’odeur des chariots d'ânes transportant les petites paysannes et les chiens, une autre odeur aromatique et embaumante vous capte, en ces matins chauds de la saison d'été... C'est donc la saison de récolte du jasmin égyptien.
Une ruche de travailleurs assidus, chacun appliqué sur son travail parfumé et enchanteur, pour cueillir les tonnes de fleurs de jasmin, qui plus tard, prendront leur chemin vers l'Europe et notamment la France pour en extraire le parfum. Drew dit, qu'ici en Egypte et dans ce petit village, c'est le sanctuaire du jasmin qui embaume le monde.
Il raconte qu'il s'est rendu, avec le lever du soleil, aux champs, où il crut être le premier à s'y rendre, mais a été surpris par ces centaines de travailleurs affairés, récoltant par leurs mains, ces belles petites fleurs blanches. Il poursuit, en soulignant, qu'après la récolte (saison pic : de juillet à novembre), les fleurs récoltées sont envoyées à une usine tout près des champs, pour en extraire ce liquide magique vendu ensuite à Paris, à New York ou à Hong Kong Kong et dans les autres pays du monde, pour le mettre dans des bouteilles chic de parfum et les vendre sous un nom commercial fameux à des centaines de dollars.
Drew révèle que 7 tonnes de fleurs de jasmin sont produites annuellement en Egypte. Il pose la question à un des travailleurs sur le champ de jasmin : « Combien de kilos cueillez-vous par jour ? » Il eut pour réponse : « 3 kilos chacun ». L'huile aromatique extraite du jasmin égyptien alimente presque la moitié des parfums dans le monde. Mais Drew Binsky ne s'arrête pas là, il affirme que derrière chaque petite fleur de jasmin naissante, il y a des histoires fascinantes pour les habitants du village égyptien. Ils passent de longues nuits travaillant d'arrache-pied, dit-il, pour maximiser leurs productions de jasmins. A 5H00 du matin, raconte Drew, en errant dans les champs de jasmin, une odeur rafraîchissante vous capte... Ce vert de champ où reluit la blancheur candide des fleurs... un tableau pittoresque que vous pouvez voir, mais pour le sentir, il faut s'y rendre et surtout... s'y perdre, dit-il.
Drew explique, après avoir parlé avec les travailleurs, que les récoltes se font surtout la nuit, car la fleur de jasmin est un peu sensible à la chaleur du soleil, alors il serait préférable de la cueillir dans la nuit, temps aussi où elle éclore le mieux. Les travailleurs expliquent que leur travail est plus ou moins dur, car il se fait la nuit, et les travailleurs doivent être toujours alertes et souvent bien voir tout autour d'eux. Mais au fil des jours, ils s'en sont habitués.
Les fleurs une fois cueillies, sont envoyées vers une usine proche- comme déjà souligné - où on les transforme en huiles aromatiques liquides ou en une sorte de crème ou pâte, pour les exporter plus tard vers de nombreux pays du monde. (Vous pouvez suivre le tour de Drew Binsky en Egypte sur ce lien :https://instagram.com/drewbinsky)
Encadré
Un peu d'histoire parfumée
Notre voyage commence en Egypte Antique, vers -3000, berceau de la mythique civilisation égyptienne. Cette époque est marquée par le mysticisme et l’omniprésence du divin, y compris dans le domaine du parfum.
En effet, les parfumeurs de cette époque ne sont autres que les prêtres, qui travaillent des matières brutes pour réaliser des huiles parfumées, des résines, des onguents, des liqueurs et des encens. Toutes ces essences sont ensuite utilisées dans divers cultes divins. Certaines préparations sont brûlées en hommage aux Dieux, et la fumée odorante qui s’en dégage s’élève voluptueusement vers eux. Le parfum est alors un moyen de communiquer avec le divin.
D’autres préparations servent aux rituels d’embaumement. Cette pratique consiste à empêcher la putréfaction du corps et à le parfumer : de l’intérieur en l’emplissant d’herbes aromatiques, et de l’extérieur en le couvrant de bandelettes et d’onguents. Par cette opération, les égyptiens purifient les corps des défunts et leur assurent l’accès à l’Au-Delà.
D’abord réservé au divin, c’est la tumultueuse Cléopâtre qui va modifier l’usage du parfum et le faire entrer dans l’ère de la féminité ! Elle avait en effet pour habitude de prendre des bains de lait d’ânesse infusés de fleurs et d’amande.
Poursuivons notre voyage à travers les siècles, et arrêtons nous à la fastueuse Cour de Versailles. Le Roi Soleil vouait une véritable passion à de nombreux Arts et notamment à celui de la parfumerie. Surnommé le « Doux Fleurant » il imposait la mode des parfums opulents et omniprésents. On raconte même qu’il parfumait l’eau des fontaines de Versailles !
A l’époque, c’est la Cour qui dicte les usages à la société française, mais aussi aux Cours étrangères qui suivent avec attention les modes françaises. Le parfum devient donc incontournable aux yeux de toutes les Cours d’Europe et sa consommation explose !
La Cour de Versailles consomme énormément, et de plus en plus de parfums ! Devant ces besoins grandissants, la France se met à produire elle-même les essences dont elle a besoin. Et le XIXe siècle marque un véritable tournant dans l’Histoire de la parfumerie. L’invention de nouvelles techniques d’extraction naturelle et l’invention du vaporisateur vont considérablement élargir le champ des possibles pour les parfumeurs. (source : Sillages Paris)
Encadré
Le « Kyphi » égyptien, le plus ancien des parfums dans le monde
Pour les anciens Egyptiens, la vie était une célébration, et donc, tout comme on voudrait être au mieux de sa forme lors de n'importe quelle fête, l'hygiène personnelle était une valeur culturelle importante. Les Egyptiens se baignaient quotidiennement, se rasaient la tête pour éviter les poux ou d'autres problèmes, et utilisaient régulièrement des cosmétiques, des parfums et des bonbons à la menthe pour l'haleine. L'apparence personnelle était si importante que certains écrits du Livre des morts égyptien stipulent que nul ne peut parler aux autres dans l'au-delà s’il n'est pas propre et présentable, et il est clair que cela a une importance dans un sens physique.
L’étude des produits cosmétiques égyptiens, déodorants, bonbons à la menthe et dentifrices était si avancée que, selon le dictionnaire anglais Oxford, le mot anglais « chemistry » (dérivé de alchimie) a ses racines anciennes dans Kemet, l'ancien nom de l'Égypte dans la langue égyptienne.
Le parfum le plus populaire et le plus connu était le kyphi. Il était composé d'encens, de myrrhe, de mastic, de résine de pin, de cannelle, de cardamome, de safran, de genièvre, de menthe et d'autres herbes et épices. Le parfum est décrit comme étant complètement exaltant, et ceux qui pouvaient se le permettre étaient enviés par ceux qui ne le pouvaient pas. Strudwick note que « les Égyptiens aimaient les parfums doux et épicés qui remplissaient l'air de leur arôme captieux et durable », et que le kyphi était le plus cher et le plus recherché d'entre eux (378).
(Source : Site : Pharaonique : Cosmétiques, parfums et hygiène dans l'Egypte antique)