Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire de la séductrice.
La séductrice savait que l'amour est une forme de faiblesse. Elle n'aimait pas être affaiblie par ses sentiments. Les hommes, elle les exploitait afin de se sentir aimée, belle, parfaite et singulière. Ce qui comptait pour elle c’est de se valoriser à travers leurs regards inassouvis et leurs efforts afin de se rapprocher d’elle.
C’était sa nature. Elle n’en était pas fière, c’était pourtant plus fort qu’elle et elle ne pouvait pas la changer. A quoi servirait-il de la changer ? De toute façon, elle menait une existence malheureuse sur Terre et n’était pas vraiment capable d’améliorer son quotidien. Pour toutes ces raisons, elle continuait son stratagème. Avec Mokhtar, quelque chose était bien différent. Il avait su percer son cœur, pas au point d’en tomber amoureuse. Il l’a perturbée, juste une perturbation qui l’affectait profondément. Elle ne lui résistait plus, elle cherchait alors à créer elle-même les occasions pour le voir, lui adresser la parole, le rencontrer.
Après avoir bien pensé, elle trouva que la meilleure solution pour se rapprocher de lui, c’est de nouer une amitié avec sa femme. Elle est ainsi devenue l’amie de la femme de Mokhtar, et pouvait ainsi pénétrer la maison très aisément sans que des questions ne soient soulevées à son égard, sans que des doutes ne soient suscités.
Une amitié qui lui permettait d’être près de son bien-aimé. Celui-ci comprenait bien la situation, mais faisait semblant de ne rien comprendre. Il laissait les choses venir à leur aise. Il ne se précipitait pas sur sa victime. Un prédateur sait très bien comment tisser les filets autour de sa victime et attendre le moment opportun.
Gamila se laissait de plus en plus enliser dans une histoire d’amour dont elle ne contrôlait plus rien. L’amour a commencé à éveiller ses sens, à la faire pleurer, à la faire regretter sa vie auprès d'un mari froid et insoucieux. Sa famille se désintéressait trop de son sort, c'était une femme qu'il fallait caser, qui a été casée. Point final. Il y avait réellement l'option du divorce, la révolte, voire la rébellion. Elle n'était pas capable de passer par là, d'assumer le prix à payer.
Petit à petit, elle devient une amie inséparable de la famille Mokhtar au point que lorsque l'épouse de ce dernier s'absentait, Gamila était en charge de la maison et des enfants.
Une excuse de plus pour le coureur de jupons afin de se retrouver seul avec sa future victime. Un jour, l'épouse était partie en voyage, la jeune femme se retrouva seule avec Mokhtar qui lui parla directement d'entretenir une relation amoureuse. Gamila s'attendait à ce qu'il ne lui parle jamais aussi franchement, ni directement.
Elle croyait que le jeu du chat et de la souris, allait se perpétuer. Les mots charmeurs de Mokhtar ne la charmaient pas. Ses larmes coulèrent, elle sortit de chez lui et n'y remettra plus jamais le pied.
Des jours et des nuits, elle resta dans le silence sans verser des larmes, sans dire un mot, sans même manger. Après cet incident, la séductrice n'était plus la même, elle a cédé à son rôle de séductrice. Et, dans le quartier, on dit qu'il y avait jadis une belle femme qui ne sort plus de chez elle. On dit que le soir, on voit son spectre danser et chanter. Mais, le matin, elle reste calme et muette. Pas un mot, pas un mouvement.