Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire de l’oreiller de l’homme heureux.
Il était une fois un prince très riche. Tout le monde était à son service, tous ses rêves se réalisaient. Pourtant, il n’arrivait pas à dormir le soir. Son insomnie le conduisait au bord de la folie et de la colère. Il se sentait si seul, si triste et ne comprenait pas la raison de ses sentiments. Il possédait pourtant toute chose. Tout sauf le bonheur. Quel sentiment!
Chaque soir, au lieu de s’endormir, il se sentait ronger par un vide profond et sans fond. Un vide qui le tourmentait, le faisait souffrir, voire même l’empêchait de dormir. Comme, la situation ne s’améliorait pas. Il a alors décidé de chercher une issue. Il réunit les sages de son royaume. Peut-être, se dit-il, auront-ils une cure magique à ma souffrance.
Les sages du royaume n’avaient pas de réponses. Toutes leurs recommandations et leurs tisanes ne servaient à rien. Sa situation ne s’améliorait pas et son insomnie devenait permanente.
Un jour, le prince a entendu parler d’un vieil homme qui disposait des «clés du bonheur», il habitait une grotte magique au fin fond de la forêt. Il a donné alors les ordres à ses soldats d’aller le chercher et de lui dire que le prince a besoin de lui.
Sollicité, le vieil homme se montra très coopérant. Il a quitté sa hutte forestière et est arrivé au palais princier en vue de trouver une cure au prince.
A son arrivée, il demande de s’entretenir avec le prince et de l’entendre en aparté pour connaître les causes de sa souffrance. Ce dernier lui a expliqué son incapacité à dormir, son sentiment de vide, sa tristesse. «Je vois», a dit le vieil homme. «Vous êtes donc malheureux et vous cherchez le bonheur», a-t-il ajouté.
«Tout mal dans ce monde a sa cure. Ne vous inquiétez pas. J’ai une solution pour vous. Pour guérir de votre mal et pouvoir dormir, il faut trouver l’oreiller d’un homme heureux. Le bonheur est contagieux. Ainsi, pourriez-vous vous reposer. C’est l’unique moyen. Attention! Il faut que ce soit vraiment un homme heureux! L’oreiller d’une personne transmet ses idées, ses sentiments, ses tourments ou sa joie. Fais attention à ce qu’on te transmet», a-t-il insisté.
Le prince a immédiatement ordonné à ses soldats de lui chercher l’oreiller d’un homme réellement heureux. Les soldats, tels les fourmis dans une fourmilière, ont commencé alors à chercher cet être réellement heureux.
A chaque fois que les soldats tombaient sur une personne, ils découvraient alors qu’elle feignait la joie et que tout n’allait pas forcément bien. Ils avaient peur de donner au prince l’oreiller d’un malheureux, cela pouvait leur coûter leurs vies.
Enfin, un jour, ils ont trouvé la personne élise: c’était un vieux mendiant. Celui-ci était très heureux. Les soldats lui ont posé plusieurs questions pour s’assurer de son bonheur, ses réponses étaient celles d’un homme comblé. «Je suis satisfait, parce que je n’attends rien de nul, j’ai le ciel, le soleil, la pluie, les arbres, le vent et les fleurs. Que puis-je vouloir davantage?»
Les soldats lui ont alors demandé de leur donner son oreiller. «Mon oreiller!», s’exclama l’homme. «Je n’ai pas d’oreiller. Je dors sous un arbre au clair de la lune ou dans une maison de Dieu. Je ne me soucie pas d’avoir un oreiller».
Les soldats décident de mener le mendiant au palais pour qu’ils trouvent une solution. Le prince reçoit le mendiant. En le voyant, il l’envie pour son bonheur, sa simplicité et sa vie banale. Le prince dit au mendiant: «Mais, maintenant que vous n’avez pas d’oreiller, que vais-je faire pour être heureux et savoir dormir?»
Le mendiant lui a souri et lui a dit: «Tu peux tout simplement apprendre à apprécier les petits détails de la vie, respirer le parfum d’un fruit, sentir une brise printanière sur ton visage. Ce sont des choses pareilles qui sont porteuses de bonheur».
Le prince n’était pas toujours convaincu, le mendiant lui a dit: «Si je dors sur votre oreiller mon prince, croyez-vous que je serai malheureux?»
«Je ne sais pas», a dit le prince. Et de poursuivre: «Mais d’après les paroles du vieil homme…». Le mendiant lui a alors coupé la parole: «Un oreiller ne transmet rien, nous sommes les maîtres de nos choix, de notre vie. Le bonheur se fabrique, il n’est donné, ni acquis. C’est à l’intérieur de vous-mêmes que vous trouverez les ingrédients du bonheur».
Le mendiant s’en alla pour passer sa nuit sous la belle étoile, laissant le prince en train de penser: comment puis-je construire mon propre bonheur?»