L’autofiction a vu le jour avec les écrivains juifs, particulièrement Modiano et Perec. Ces deux romanciers s’opposent aux autres autobiographes dont les œuvres se nourrissent nettement de l’histoire de leur vie et se distinguent par la crédibilité. Ils ont pu mélanger deux notions tout à fait contradictoires, la réalité et la fiction, de manière à créer l’autofiction. Celle-ci est présentée comme le seul moyen qui puisse exprimer l’indicible et le moi qui « n’existe que comme fiction ». Et pour affirmer que notre supposition n’est pas gratuite, il serait utile de présenter ces dires de Pierre Lepape : « Originellement, historiquement, l’autofiction est liée à l’expérience de la Shoah ». Cet avis est renforcé par Timo Obergöker qui dit : « Ce genre d’autofiction est répandu particulièrement chez les auteurs juifs. » Cependant il serait abusif de réduire à ces derniers la pratique de ce genre littéraire.
Nous essayons de définir les deux mots. C’est Serge Doubrovsky qui a annoncé le terme autofiction, lors de la parution de son Fils en 1977. Sa définition indique que l’autofiction se trouve à mi-chemin entre l’autobiographie et le genre romanesque. Elle est présentée comme un tiers lieu où l’on peut à la fois exprimer l’indicible, échapper à la crédibilité et aux règles strictes de l’autobiographie. De nouveau, Doubrovsky nous présente une autre définition, décelant de nouvelles dimensions de ce genre : « L’autofiction, c’est la fiction que j’ai décidé, en tant qu’écrivain, de me donner à moi-même et par moi-même, en y incorporant, au sens plein du terme, l’expérience de l’analyse, non point seulement dans la thématique, mais dans la production du texte ». Ainsi, l’œuvre devient un travail analytique où la mémoire du narrateur constitue le côté fictionnel. Philippe Vilain résume ce qui précède, annonçant que « l’autofiction est la forme romanesque dans laquelle se racontent les écrivains ». Elle mélange Histoire et fiction, permettant à l’auteur de s’inventer une existence sans perdre son identité réelle.
En ce qui concerne la judéité, la notion a été introduite par Albert Memmi en 1962. Elle est « l’ensemble des caractéristiques sociologiques, psychologiques et biologiques qui font le Juif ». Elle est distincte du judaïsme, « religion des juifs », de la judaïté, « la condition de juif » et enfin de la judaïcité, « le fait d’être juif (sur le plan religieux). » Donc nous nous intéressons à la spécificité des juifs, aux composantes qui déterminent leur conduite et leur manière, et non pas à la doctrine religieuse du judaïsme.