Ces dernières années, je n’arrivais pas à aller jusqu’au bout dans la lecture d’un livre. Quant au dernier ouvrage de Yasmine Khlat, intitulé « Egypte 51 », édité par Elyzad, je l’ai dévoré d’un seul trait.
Yasmine Khlat est née en 1959 à Ismaïlia en Égyptedans une famille libanaise. Elle a entamé une carrière au cinéma avant de se consacrer à l'écriture. Elle a reçu le prix « Méditerranée 2020 » et le prix de la littérature arabe 2019 pour ce roman épistolaire.
Je ne sais pas ce qui m’y a attiré. Est-ce que c’est l’action qui se déroule en grande partie en Egypte, plus précisément à Ismaïlia, tout près de ma ville natale de Port-Saïd, située aussi au bord du Canal ? Est-ce que ce sont les senteurs d’antan qui se dégagent de la période où l’on échangeait des lettres écrites à la main ? Ou bien est-ce que c’est la ressemblance entre moi et Mia, l’héroïne, quant à sa fragilité, ses fantasmes et sa réticence au mariage ? Tout est possible.
Le roman relate, à travers des correspondances, l’amour que ressent Stéphane, médecin, pour Mia. Celle-ci est toujours hantée par un précédent amour brisé pour un homme qui n’est pas de sa classe sociale. Mia et le docteur sont tous les deux protégés par le cocon de leurs familles aisées syro-libanaises. Mais, tout bascule après la nationalisation du Canal de Suez.
Nous découvrons, au fur et à mesure, le mal-être profond de Mia qu’elle essaye de dissiper à travers la peinture. Nous notons ici l’interférence entre la peinture et l’écriture, à travers ces activités elles-mêmes ou à travers la description de tableaux, ou de scènes qui s’immobilisent pour un instant, mises dans un cadre, puis prennent tout à coup vie, pour refléter la carrière de cinéma qu’a fait Khlat, qui n’est pas trop loin de la peinture.
En lisant le roman, nous sentons de la nostalgie envers cette Egypte des années 50 juste avant la nationalisation du Canal. Mais ce qui est amusant, c’est que les personnages eux-mêmes sont nostalgiques envers le 19ème siècle- le temps du percement du Canal.
On y observe toujours un vacillement entre le monde de la résistance et de la misère et celui de la richesse, des bals masqués, etc … Entre le calme et la paix de la villa de Stéphane à Ismailia, et le bouillonnement contre le colonisateur anglais.
Bien que ce soit une image utopique de l’Egypte d’avant 56 qui a trait au rêve plus qu’à la réalité, et dont l’auteure a conscience, on pourrait toujours, à travers cet ouvrage, aller dans les traces de cette ancienne époque, et reconstituer un passé disparu pour toujours mais immortalisé par l’écriture.