Depuis mon arrivée en Egypte, j'ai fréquenté par passion et confort l'Hôtel Marriott à Zamalek. J’ai été frappé par les nombreuses sculptures qui remplissent les salons de l'Hôtel, mais surtout par une fontaine en marbre qui trône au milieu du lobby principal et qui a été transformée en jardinière.
Il s'agit en fait d'un groupe sculptural: un satyre qui poursuit une chèvre, dans un mouvement circulaire qui entoure une colonne végétale, sur laquelle repose une grande coupe. Le groupe est en marbre très précieux, avec un grain brillant qui ressemble presque à l'albâtre.
Au visiteur curieux qui va chercher une inscription quelconque, il apparaît l'autographe "G. Strazza ». J'ai fait mes recherches et j'ai découvert que Giovanni Strazza était un sculpteur italien, né à Milan au début du 19ème siècle et diplômé de la prestigieuse Académie de Brera vers 1848.
Il participa à de nombreuses expositions dans toute l’Italie et pendant la seconde moitié du XIXe siècle, il fut choisi par le Khédive d'Égypte pour orner les salons somptueux du Palais Royal destiné à accueillir les VIP européens à l’occasion de l'ouverture du Canal de Suez. Ce Palais, comme tout le monde le sait, subit des alternes fortunes jusqu'à devenir, aujourd’hui, l’Hôtel Marriott à Zamalek.
L'Hôtel est un hommage au luxe italien d'avant-guerre. Le rez-de-chaussée, en face du grand jardin, est meublé avec des miroirs gigantesques, des consoles, des divans et des fauteuils dessinés et réalisés par l'éminent ébéniste Giuseppe Parvis, dont j'ai déjà parlé dans les colonnes de ce journal. Le premier étage, qui correspond à l'entrée sur le Nil, exhibe des grands miroirs baroques avec des trophées et au moins cinq statues de la même main. Une seule apporte l’autographe de Strazza mais, pour ce que j’ai pu constater, elles sont toutes du même auteur. Le sujet est plaisant et mondain, au moins dans le cas de la jardinière dont j'ai parlé plus haut. Le satyre, comme tous le savent, est une figure mythologique de la Grèce ancienne, moitié homme et moitié chèvre, qui personnifie aussi les forces de la nature. Évidemment, le sujet fut choisi avec une pincée d'ironie, compte tenu également du caractère festif et commémoratif de l'endroit. Les autres statues ont un caractère plus sobre; il y a une sorte de dame voilée, un autre groupe marmoréen représentant des odalisques: ces œuvres d'art étaient probablement dispersées dans les différents salons, mais maintenant elles sont réunies dans les lieux communs de l’hôtel et sont à la portée de tous. Je vous conseille de faire une visite culturelle à l'Hôtel Marriott: on se plongera dans une atmosphère de luxe, de raffinement et de décoration, digne de notre grande tradition et qui témoigne de l'admiration particulière pour le Bel Paese.