Le soleil projette ses ombres et joue au magicien en créant tout un spectre de couleurs. Le festival d’automne ensorcèle les forêts, attire les promeneurs et procure plaisirs aux enfants et chiens se jetant dans les feuillages.
Les brumes de retour, se faufilent au-dessus des champs et empêchent le soleil, notre bonheur, à déployer toute sa splendeur. Les vents du nord gagnent tout doucement du terrain... signes avant-coureurs de l’hiver.
Moment adéquat pour profiter du bien-être de la chaleur du soleil et prendre le cap direction sud, vers les rivages ensoleillés de la Méditerranée. L’Île de Beauté, retrouvant son calme, me semble la destination privilégiée et ce sur tous les plans, soleil, Monte & Mari, et plage, gâtée d’une riche culture et une histoire parsemée de virages surprenants, en concordance avec la complexité marquante des caractères natifs de l’Île. Parmi tant d’autres, Pasquale Paoli et Napoléon Bonaparte. Ce dernier, étroitement lié au coup d’état du 18 brumaire
(9 novembre), met fin à la Révolution! Une importante manœuvre politique rocambolesque racontée un peu plus tard! Je dirais, la brume d’automne étroitement liée à notre récit, même sous le soleil corse!
Echapper à la dévotion de ces deux héros populaires en Corse est hors de question. Rien qu’à Ajaccio, lieu de naissance de Napoléon, l’hommage des pouvoirs publics pour Napoléon et sa famille est manifeste et massif. Omniprésente, la myriade de rues, boulevards, cours et places, nommés Bonaparte, Napoléon, Premier Consul, Empereur, Impératrice, Roi de Rome, Letizia, Cardinal Fesch, Lucien Bonaparte, Solferino et Austerlitz. Autre endroit mythique, la grotte Napoléon, lieu-dit Casone, où il se retirait pour méditer. De nos jours, elle est surmontée d’une immense statue à son effigie.
Les jardins de Napoléon et sa maison natale sont ainsi au cœur des activités touristiques, tout comme le réputé musée Fesch, instauré par son oncle le cardinal Fesch. Le musée abrite une vaste collection d’oeuvres d’art baroque, Seicento italien. Par contre, aucune rue ne fait allusion à Pasquale Paoli! Les dénominations ne traduisent semble-t-il que l’attitude courtisane d’une élite opportuniste du début du 19e siècle.
De loin la plus grande ville, Ajaccio la mondaine et son palais Fesch, centre névralgique de
la Corse, joue son rôle lors des grandes régates impériales, spectacles maritimes sur trois jours… attraction couronnée par un important feu d’artifice, chaque 15 août.
Son port de commerce accueille près de 800.000 passagers par an, alors que celui de l’Amirauté est destiné aux plaisanciers et aux plaisirs du palais grâce à une grande variété de restaurants exquis. Enfin le port Tino Rossi, célèbre chansonnier du pays, reçoit les pécheurs pour célébrer leur patron Saint-Erasme.
Dirigeons à présent les projecteurs vers Sartène. Cette ville, édifiée sur un promontoire rocheux en Corse du Sud, se distingue pour être la ville la plus corse. En son centre, une imposante statue de Pasquale Paoli, le “babbu” et patriote corse, en contraste avec Ajaccio l'impériale. Sartène -l'austère- aux façades de granit gris, est une ville déchirée début du 19e entre royalistes et bonapartistes. À tel point que seul un traité signé en l’église de Sainte-Marie (1834) met un terme aux luttes fratricides. L'église se situe à la limite de deux
quartiers opposés et borde ce qui deviendra plus tard la place de la Libération. Santa Anna (royaliste), le plus vieux quartier de la ville en impose, si on veut, lorsqu'on franchit cette place par l'imposante voûte de l'hôtel de ville. Grâce à Santa Anna, la ville est de nos jours reconnue “Ville d’art et d'histoire” après celle de la ville portuaire de Bastia dans le nord de l'île. L'austérité des quartiers historiques de Sartène reflète encore la présence des Aragonais du Moyen-Âge et sa relation au sacré, héritée et importée d’Espagne! Elle s'exprime encore de nos jours par la procession annuelle du Vendredi Saint de “Catenacciu” (l'enchaîné) et animée depuis par les confréries de “Battuti” (les flagellants). Les souvenirs des puissants seigneurs féodaux de la Rocca et de leurs successeurs, propriétaires terriens, sont toujours très présents. Parmi les grandes bâtisses et leurs trésors de décoration intérieure, se trouve la superbe maison de la famille Ramolino, qui vit naître la mère de Napoléon Ier!
Restons sur l’histoire fascinante des Paoli. Pasquale est né en 1725 à Morosaglia au centre-nord de la Corse. Son père, Hyacinthe ou -Giacinto- Paoli, général de la nation, est l’un des chefs des insurgés de la Consulta d’Orezza, contre la domination génoise. La Consulta, sous son influence, déclare l'indépendance de l'île dans une constitution écrite, d’avant-garde, introduisant la souveraineté du peuple en liberté et évoquant la séparation des pouvoirs, et ce déjà en 1735! Une respectable avancée ! On parle même d’une matrice pour les colonies anglaises, qui elles aussi proclameront leur indépendance constitutionnelle!
Mais des tensions et différences entre des clans mènent à l'échec, et Giacinto ne peut s’imposer pour finaliser la constitution et continuer à diriger la Consulta. Son projet pour un meilleur destin de la patrie échouant, il quitte sa Corse tant aimée et s’installe avec sa famille à Naples.