Saïs, cette ancienne cité royale dans le Delta du Nil, serait tombée dans l’oubli si le petit village de Sa n’avait conservé son nom. Pourtant, Saïs eut une très longue et glorieuse histoire.
De Saïs à Sa El-Hagar, dans la province de la Gharbieh à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Tanta sur la rive orientale de la branche du Nil de Rachid, il ne reste qu’une vaste cuvette dont la partie la plus basse est occupée par un étang. Les déblais des différentes fouilles forment les rebords de cette cuvette.
Le centre de cette cuvette est occupé par les restes du fameux temple de la déesse Neith et du dieu Osiris et un peu partout surgissent des pierres, des constructions en briques, les restes des bains romains, quelques fûts de colonnes incrustées de croix de l’ancienne cathédrale, un naos, un couvercle de sarcophage en granit noir, un sarcophage romain, quelques chapiteaux gréco-romains et une tête du roi Psammétique 1er.
Cette cuvette est en partie encerclée par le village de Sa El-Hagar et son cimetière aménagé sur un tell.
Saïs (forme hellénisée du nom égyptien antique) était une des plus vieilles cités du Delta. Selon l’historien égyptien El-Maqrizi (fin du XIVème siècle), Ca Ibn Misr fonda cette cité de Saïs, mais Ibn Iyas, un chroniqueur du XVème siècle au Caire, attribue cette fondation à Ca Ibn Marqounus et il ajoute qu’à son époque cette ville était déjà presque complètement ruinée.
Saïs devait son antique renommée, dès l’époque pré-dynastique, à son sanctuaire de Neith, la mère de Ra déesse archère et, comme Ouadjet, protectrice de la couronne rouge. Cette cité semble avoir joué un certain rôle sous le pharaon Aha. Ce pharaon, premier roi de la première dynastie thinite, fit élever à Saïs un temple en l’honneur de la déesse Neith environ 3200 ans avant Jésus-Christ.
Il est probable que cette déesse guerrière Neith était originaire de Saïs où elle fut adorée de tout temps et elle devint, par la suite, la déesse de tout le Delta. Ce fut elle qui enseigna aux hommes l’art du tissage. A l’époque saïte, elle devint une divinité nationale pendant quelques décades.
La ville eut probablement un rôle politique prépondérant sous les premières dynasties, tout comme avant l’unification du pays. On ne sait pourtant presque rien de son histoire avant le Nouvel Empire.
Capitale d’un nome, Saïs ne prit vraiment de l’importance qu’à une époque tardive quand Tefnakht, originaire de Saïs, fonda la XXIVème dynastie. Il refit à son profit l’unité des nomes du Delta. Ce fut sous la XXVIème dynastie que, devenue capitale de l’Egypte avec Memphis, elle parvint à son apogée. Elle donna alors son nom à la période saïte.
En effet, le pays se morcelant en principautés, celle formée autour de Saïs apparaît vite comme l'une des plus puissantes au point de pouvoir former un petit royaume (la XXIVème dynastie) qui fera bonne contenance face à l'envahisseur éthiopien.
C'est naturellement avec la XXVIème dynastie que Saïs parvient à son apogée. Capitale du pays à nouveau unifié, son rayonnement artistique et intellectuel en fait un foyer de civilisation de premier ordre, tandis que la politique philhellène des pharaons saïtes ouvre l'Egypte à la curiosité et aux influences de la Grèce.
De 663 à 525 avant Jésus-Christ, les princes originaires de Saïs, Psammétique Ier, Néchao, Psammétique II, Apriès et Amasis rendirent à l’Egypte son unité et sa prospérité. Ils suivirent une politique de bonnes relations avec les étrangers, surtout les Grecs, ce qui leur donna les bases de la puissance, grâce aux mercenaires, et de la richesse avec le commerce. Le port de Saïs était alors très important. Mais les Egyptiens de l’époque saïte se montrèrent avec un souci d’archaïsme qui fut un signe de décadence. Tout en copiant les formes architecturales et artistiques de l’Ancien Empire, leurs oeuvres étaient devenues froides, bien que certaines oeuvres ne manquèrent pas d’élégance et de charme. Cela ne se manifesta pas seulement dans l’art (la statuaire et les bas-reliefs), mais encore dans l’écriture et la religion. Toutefois, cette époque saïte ne manqua pas de grandeur, de raffinement et de charme mélancolique.
La renaissance saïte, politique et culturelle, fut une oeuvre de ce grand royaume et assura le prestige de Saïs et de la déesse Neith dont le Perse Darius se réclamera explicitement.
Cette situation privilégiée ne pouvait survivre indéfiniment aux princes qui l'avaient créée. Saïs, amoindrie sans doute au point de vue commercial par le voisinage d'Alexandrie à l’époque ptolémaïque, conserva toutefois, sous les Ptolémées et les Romains, son importance religieuse avec la déesse Neith.
A l'époque chrétienne, elle devint le siège d'un évêché dont on peut constater l'existence et par conséquent celle de Saïs jusqu'à la fin du XIIIème siècle de notre ère.
Selon le recueil des listes épiscopales de l’Eglise copte, publié par Henri Munier (Société d’archéologie copte, le Caire, 1943) et complété par le Qommos Jacob Muyser (Bulletin de la Société d’archéologie copte, t. X, le Caire 1944, pages 115 à 176), nous connaissons ainsi les noms de plusieurs évêques de Saïs. En 362, Paphnoutios participa au Concile d’Alexandrie et en 431, Adelphios était présent au Concile d’Ephèse.
La liste des évêchés coptes, publiée en 1743 par Richard Pococke, signale qu’entre les années 675 et 703 il existait un évêché à Saïs qu’il appelle en arabe Sa El-Hagar. Vers 840, c’était Amba Chenouda qui était évêque de Sa (Saïs) et en 1086 l’Amba Makarab participa au Synode du Caire. Le manuscrit Vatican Copte 45 signale qu’au XIIIème siècle il existait encore un évêché à Saïs, plus exactement pour les villes de Sa et d’Asif (Satf en copte). Par contre, le manuscrit 1325 du British Museum, daté de 1803, place un évêché à Saïs au XIVème siècle, qu’il appelle Sa ou Saaïôs en copte, mais il semble que cet évêché n’existait plus en cette période.
Pour l’Eglise catholique romaine Saïs resta le siège pour des évêques titulaires. Le dernier évêque titulaire de Saïs fut le vicaire apostolique latin d’Héliopolis, Mgr Amand Hubert (1900-1980), qui fut consacré en la cathédrale Saint Marc de Choubra le 24 mai 1959.
Jean de Nikiou, dans ses chroniques, parle d’un combat à Saïs, au VIIème siècle, entre les Arabes et les Grecs.
Les voyageurs arabes, et en particulier El-Maqrizi (1364-1443), permettent de suivre sa trace jusqu'au XVème siècle. La destruction lente des édifices, passés à l'état de carrières, devait être déjà très avancée. Saïs n'est plus une ville, mais un ensemble de bourgs; le temps était proche où ce nom ne serait plus porté que par un village.
Pour se rendre à Sa El-Hagar, le mieux est de prendre la route agricole du Caire à Alexandrie. A la sortie de Tanta, prendre sur la droite la route de Mahalla Marhom en direction de Bassioun et de Dessouk. La route passe près du village de Birma, une très ancienne localité dont le nom en copte “Pcheï Moou” ou “Baramaï” signifie “le puits d’eau”. Après avoir laissé sur la gauche l’importante bourgade de Bassioun, il faut prendre sur la gauche la petite route qui conduit à Sa El-Hagar. Le site de Saïs se trouve dans le fond de ce village.