Lorsque j’ai voyagé en Tunisie avec ma famille, j’avais à peine quatre ans. Mais j’y ai vécu encore quatre ans, à un âge jusqu’auquel je peux remonter pour me souvenir de certaines choses, mais tout est un peu embrouillé. Alors, mon père m’a aidé à me souvenir du reste.
Qui dit Ramadan, dit «mahshi». Mais, malheureusement, en Tunisie, ils ne mangent pas un genre de mahshi très populaire en Egypte : le farci de feuilles de vigne ou « mahshi wara’ ‘enab ». Or, par pur hasard, mon père a remarqué une vigne dans le jardin de l’ambassade soudanaise, juste à côté de notre maison. Ainsi, il a demandé au jardinier de cueillir quelques feuilles de vigne, et lui a donné une petite somme d’argent, en lui indiquant l’adresse. Plus tard, on était surpris de le voir devant notre appartement, portant un sac énorme plein de feuilles de vigne ! On en a pris à peu près un kilo, et on lui a rendu le reste.
Quant à la télévision, il n’y avait pas encore de paraboles. La télévision tunisienne diffusait les «fawazirs» égyptiennes (des charades musicales à paillettes, diffusées le long du mois). Mais transmettait aussi les séries télévisées égyptiennes. J’adorais ça! Les produits de télévision étaient, en ce temps-là, de bonne qualité, et ça me rappelait mon pays et mon dialecte.
Un jour, nous sommes allés, en voiture, pendant le Ramadan, à la ville de Kairouan, à 160km de Tunis où nous habitons. Là-bas, il y avait la grande mosquée de Kairouan ou la mosquée d’Oqba Ibn Nafi, que celui-ci a bâti après la conquête arabe de l’Afrique du Nord. Dans cette ville historique, je me rappelle avoir mangé une sorte de dessert appelé «maqrouda», qui ressemble au gâteau aux dattes, frit et imprégné de miel.
Quant à la première chose qu’on mangeait lors de l’iftar, ce sont les dattes «Degla Nour», connues en Tunisie et en Algérie, et dont le nom signifie en langue berbère «le doigt de lumière». Ils ont une couleur dorée, cristalline et transparente ; tu peux presque voir le noyau.
En ce qui concerne le jeûne, j’étais trop petite pour le faire comme les grands. Cependant, ma mère m’a proposé d’essayer de jeûner un seul jour, pour m’y habituer, et voir si j’aurais la force de continuer. «Maintenant tu es grande, tu ne vas pas jeûner une demi-journée comme les petits» m’a dit-elle. J’ai jeûné une journée complète, mais ça ne m’a pas tenté de le faire le reste du mois.
L’année suivante, et celle d’après, je jeûnais un jour sur deux. Puis, enfin, tout le mois. Mais, je n’ai goûté le plaisir de l’obéissance à Dieu que lorsque je suis devenue adulte.