Georges Perec ressemble au paysan qui cultive des champs en semant des germes tout à fait différents. Son œuvre comporte quatre horizons : le sociologique qui l’entoure (Les choses), l’autobiographique dont la matière est sa propre histoire (Je me souviens), le romanesque fictif (W ou le souvenir d’enfance) et enfin le langage où il est influencé par l’Oulipo (La disparition, roman rédigé sans un seul e). Cette variété fait de lui « l’écrivain le plus important de sa génération. Les tenants d’une littérature formaliste y trouvent leur bonheur ; les partisans d’une littérature existentielle sont aussi comblés. » Il a essayé de moderniser les formes classiques et familières, emprunter d’autres techniques aux domaines non littéraires, les combiner ensemble afin d’inventer de nouvelles formes et offrir aux lecteurs des territoires inconnus. Pour cela, son œuvre est considérée comme « une encyclopédie de la littérature ». Telle une personne bien entraînée, il possède tous les outils qui l’aident à pratiquer tous les genres littéraires : mots croisés, poésie, roman, traduction, livret d’opéra, théâtre, scénario de cinéma. Ce dernier a adapté son roman « Un homme qui dort », obtenant le prix Jean Vigo en 1974. Il a de même écrit un feuilleton pour Radio Abidjan et une pièce pour une radio allemande. On lui a décerné le prix Renaudot et le prix Médicis. Bien plus, « son nom fut donné à titre d’hommage commémoratif, en 1984, à la petite planète No 2817, nouvellement découverte. »
W ou le souvenir d’enfance est le livre d’une âme blessée. L’auteur y présente la disparition de ses proches, particulièrement celle de sa mère. Il est plus émouvant et plus intime que toute l’œuvre littéraire de Georges Perec. Il obtient le prix Goncourt. Catherine Dana constate que cette œuvre « tresse le personnel avec le collectif ». Elle occupe une place remarquable dans l’écriture de soi du XXe siècle. On a du mal à la classifier à cause de sa nouvelle structure où alternent des chapitres fictifs et des chapitres autobiographiques. Elle « s’inscrit dans un contexte plus large dont l’enjeu est le mélange des genres. »
W ou le souvenir d’enfance, paru en 1975, est composé de deux récits, l’un est l’autobiographie de Georges Perec qui relate son enfance pendant la Deuxième Guerre mondiale et ses rares souvenirs vagues et incohérents : la mort de son père, la prise de sa mère dans une rafle, son séjour à Villard-de-Lans ; l’autre fictionnel est un roman d’aventures dont le héros s’appelle Gaspard Winckler. Après sa désertion, il vit en Allemagne avec un faux passeport. Il porte le nom d’un enfant sourd-muet, disparu lors de son voyage. Le bureau Veritas le charge de retrouver cet enfant. Mais Gaspard, lui-même, disparaît de la scène et nous laisse à un autre narrateur anonyme ayant pour but de décrire objectivement la société olympique de l’île W. Cette société despotique où les forts vivent au détriment des faibles, symbolise fortement les camps de déportation et d’extermination.