Depuis sa sortie au Liban en 2018, et son obtention du prix du jury au Festival de Cannes, le film Capharnaüm a fait couler beaucoup d’encre. Il n’est passé au cinéma en Egypte que depuis deux semaines seulement, la séance privée étant en présence de la réalisatrice libanaise Nadine Labky, qui est à son troisième film après «Caramel» (2007) et «Maintenant, on va où» (2011).
Capharnaüm est lié à la lecture de l’évangile selon Saint-Marc, II, 2, sur l’attroupement dans ce village de l’ancienne province de Galilée lors de la venue de Jésus. Mais, c’est surtout utilisé dans le sens du désordre et de la grande pagaille, et c’est ce que le film voulait apparemment dire.
L’histoire, employant le réalisme italien, raconte la vie d’un préadolescent, Zein, qui vit d’expédients dans un quartier misérable de Beyrouth avec sa famille. Le garçon livre les commandes de ses voisins, essaie de soutirer quelques pièces aux automobilistes, aide sa mère à trafiquer des médicaments stupéfiants. Au cours d’une fugue, il rencontre Rahil, une immigrée éthiopienne sans papiers et son bébé Yonas. En l’absence de Rahil, il s’occupe comme un frère du tout jeune Éthiopien. Mais, une fois qu’elle s’est absentée trop longtemps, et ne trouvant plus à quoi subsister après avoir utilisé tous les trucs possibles, il finit par vendre le bébé. Le moment culminant dans l’histoire, c’est quand Zein s’est présenté devant le tribunal en dénonçant sa famille de l’avoir mis au monde !
Une histoire qui plait aux occidentaux. Mais on ne peut nier que le film est soumis aux normes professionnelles, qui en résulte de beaux cadres sur le plan cinématographique et une interprétation impressionnante des acteurs, toutefois non professionnels.
En revanche, les critiques acerbes n’ont pas manqué. Ils s’opposent à l’exploitation des marginalisés et des démunis dans l’industrie cinématographique et à leur présence physique dans le film ( Zein Al-Rafeea, le protagoniste, est un réfugié syrien arrivé au Liban à l’âge de 7 ans. L’actrice qui incarne la mère éthiopienne, Yordanos Shiferaw, est elle-même une immigrée sans-papiers ). D’ailleurs, les personnes chargées du film sont culpabilisées pour faire porter aux démunis toute la responsabilité de cette condition à laquelle ils sont arrivés. Ils sont coupables de procréer ! Moi-même j’ai senti que c’est une publicité pour la planification familiale !
Mais, le quotidien Al-Nahar avait une autre opinion : « À travers le regard de Zein, le public observe la mort inévitable de l’enfance et des rêves, dans un pays où la négligence par l’État de sa population atteint des sommets ». Quant à L’Orient-Le Jour, il a dit que Labky est entrée, avec ce film, « dans la cour des grands ». On ne peut savoir quelle était l’intention des cinéastes. C’est un film apitoyant sur le sort des enfants démunis mais à la sauce occidentale !